Extraits de la Conférence
adressée à lÉcole nationale des beaux-arts
de Lyon, le 31 octobre 2001.
Liliane Schneiter
Vidéos : Jean-Luc
Godard "Lettre à Freddy Buache" de
1982 (11min.) et extraits vidéo Lynn Hershman Leeson
"À la recherche de B.", de 1995 (35 min.).
LÉcole des beaux-arts, sa direction, les professeurs qui
mont appelée et des étudiants que jai eu le
plaisir de rencontrer dans dautres lieux et dautres circonstances,
ont souhaité que je fasse "entendre quelque chose de la parole
et de la portée du travail de Walter Benjamin".
Je suis touchée par cette invitation qui témoigne entre
autres choses dune poursuite des relations de travail entre deux
écoles dart dune même région, la vôtre
et lécole des beaux-arts de Genève où actuellement
jenseigne dans le domaine des études critiques avec un laboratoire
de recherche sur la condition digitale et la production annuelle dun
site web du séminaire "Walter Benjamin/Cybermédias",
et où je continue de travailler à la fois à la recherche
et à lenseignement dans le champs des études médiévales,
étant médiéviste de formation. Le moyen âge
des hypertextes des "Miroirs du Monde", celui de lart
des copies et des collages, de la variante et des polyptyques maura
initiée très directement à la condition digitale
de notre temps !
Quelques tracés dans luvre
Jespère arriver à tracer quelques chemins dans les
techniques de pensée et dans les objets de réflexion de
Walter Benjamin, en me donnant pour tâche dêtre un modeste
passeur et de vous inviter à votre tour à travailler avec
les ressources proposées par Benjamin. À cet effet, je voudrais
recommander la lecture des textes édités par Gallimard en
3 tomes dans la coll. Folio, parus en 2000 avec une présentation
bien contextualisée par Rainer Rochlitz.
Je lis la 4e de couverture de léd. Gallimard qui a le mérite
de dire en quelques mots comment Benjamin est aujourdhui perçu.
"Walter Benjamin (1892-1940), lun des rares penseurs contemporains
qui comptent dans le monde international de la pensée, échappe
aux querelles décoles, suivit aux modes, passe pour une référence
obligée. Cette résistance au temps tient à la fois
aux qualités littéraires de ses écrits, à
sa biographie exceptionnelle tragiquement représentative
du destin de lintelligentsia judéo- allemande au XXe siècle
et à un sens aigu des enjeux théoriques de lépoque."
La présentation montre aussi que la réception de Benjamin
sest produite tardivement dans les pays francophones, contrairement
à lAllemagne, à lItalie et aux Etats-Unis qui
ont été des récepteurs plus précoces et plus
actifs, et jajoute pour y insister, notamment de la part
des artistes qui sans nul doute sont parmi les lecteurs les plus attentifs
et les plus entreprenants depuis le début des années soixante-dix.
Il y a un témoignage limpide à ce sujet par Mark Dion dans
louvrage intitulé "The Optic of Walter Benjamin",
aux éditions de.-, dis.-, ex-., Black Dog, 1999.
On peut rappeler à ce propos les textes de Laurie Anderson dont
sa chanson The Dream before. For Walter Benjamin, de 1989
dans "Strange Angels" .
La réception des écrits de Benjamin est actuellement favorable
à lexercice de la pensée critique. Dans le travail
que nous avons engagé avec les étudiants et avec des chercheurs
depuis de nombreuses années sur la base des essais de Benjamin
et sur la base des travaux de lÉcole de Francfort, nous pouvons
dès lors tous compter sur un véritable réseau déchanges,
et ce qui nest pas peu de chose, à une époque
marquée par labsence de références communes
qui permettraient de résister au flux laminant de "la nouveauté"
et à une de ses conséquences, à savoir lamnésie.
Mon intention est donc de répondre à la demande de "faire
entendre quelque chose de la parole et des intérêts pour
aujourdhui du travail de Walter Benjamin", en entrant directement
dans quelques techniques de pensée et dans leurs enjeux, et en
donnant à percevoir les contextes historiques.
Les travaux de Benjamin noffrent pas un massif bien circonscrit
ni lisse. Ceci pour de multiples raisons qui tiennent autant à
la trajectoire personnelle quà lhistoire collective,
et principalement pour des raisons de conception du travail, de sa forme
et de ses techniques. Benjamin a produit une uvre engagée
dans une pluralité de domaines, une uvre dispersée
sous forme darticles, de conférences, dessais, de fragments,
de notes, et inachevée. La forme que cette oeuvre a pris
ultérieurement, a été donnée par des proches
comme Hannah Arendt (une cousine par alliance de Benjamin) ou comme Theodor
Wiesgrund Adorno et dautres qui en ont constitué des recueils.
(Cest un peu ce qui sest passé avec certains travaux
de Michel Foucault rassemblés et édités sous le titre
"Dits et Écrits" en trois volumes par ses amis).
Une écriture par gros temps
Ce quexpose et que propose Benjamin pour ce temps daujourdhui,
cest une écriture par "gros temps".
Un temps conflictuel, bouleversé par les donnes politiques et économiques
en Allemagne après la première guerre mondiale, un temps
qui pèse sur les conditions dexistence et de pensée
des individus (les conflits franco-allemands, la République de
Weimar, la récession économique, lémergence
des ultra-nationalismes et des partis dextrême droite
).
La décision de travailler une écriture par brèves
proses, de renouer avec lart du récit, de produire un discours
par instantanés qui va jusquà laphorisme, tout
ceci participe dune conception anti-autoritaire du médium
de lécriture ou de celui de lémission radio.
Une conception toujours travaillée par la question du langage,
de la traduction dune langue à lautre, et de la translation
dun médium à lautre.
"Écriture par gros temps" en effet ! Adorno, contemporain
de Benjamin et avec qui Benjamin a eu des relations soutenues de travail,
écrivait en exil à New York en 1944 ceci : "la dimension
historique des choses nest rien dautre que lexpression
des souffrances du passé", et on ajoutera : du
présent qui en prend conscience ! Il écrit ceci dans le
fragment 29 de Minima Moralia.
Je minspire donc dun geste de Benjamin pour entrer en matière,
comme par une oblique, en saisissant des "images de pensée"
qui ont à voir avec lexpérience de lhistoire
et avec la signification que ces termes dexpérience
et dhistoire ont eue pour Benjamin et quils peuvent
prendre pour nous aujourdhui. Puis nous verrons un court-métrage
de Jean-Luc Godard intitulé "Lettre à Freddy Buache"
de 1982 où Godard se comporte en allégoricien dans des proximités
singulières avec les techniques et les modes de pensée de
Benjamin. Nous ferons retour à Benjamin et, si le temps le permet,
nous verrons alors un extrait du film de Lynn Hershman Leeson intitulé
"À la recherche de B.", de 1995, et qui relève
du documentaire de fiction en relation directe avec la biographie de Benjamin.
Des quasi maximes
Dentrée de jeu, je propose à votre attention des enjeux
formulés par Benjamin comme des maximes.
Jen rapporte quelques-unes.
La première est celle-ci : "Le passé et le futur
convergent explosivement dans linstant présent."
La seconde est : "Toute image du passé qui nest
pas reconnue par le présent disparaît irrémédiablement.".
La troisième est : "Le maintenant ouvre une brèche
dans le temps. Il est un sauvetage de lhistoire."
Le "maintenant ouvre une brèche dans le temps et
qui sauve quelque chose qui se nomme une image dialectique" sentend
mieux en allemand qui dit Jetztzeit ou en anglais qui dit
Now.
Ce que vous venez dentendre ce sont des "images de pensée",
des Denkbilder, qui ont pris la forme dense et brève
de la "figure", ce sont des images frappantes (on se souviendra
peut-être à ce propos de La lettre à Herrenius
attribuée à Ciceron, un composant dun traité
de rhétorique qui cherche à connaître les règles
et la portée des figures de pensée). Ces "figures"
sont des condensateurs qui comme les vieilles maximes de la dialectique
deviennent des opérateurs de sens, des outils pour une pratique
de la pensée critique.
Sachons bien que ces "outils" peuvent être à leur
tour instrumentalisés par la langue de bois du slogan, ou détournés
par une pratique consensuelle de la citation pour la citation. Or ils
sont dabord des techniques de pensée constamment exercées
par Benjamin.
Ces condensateurs sont repérables dans toute la production de Benjamin,
dans des énoncés variables, par quoi il pratique "lart
de la variante", ou "lauto-citation sans guillemets"
et ceci depuis les premières conférences sur "La
vie des étudiants" prononcées par Benjamin en qualité
de délégué du groupe des étudiants libres
à Berlin en 1914 (il avait alors 22 ans). Ces conférences
ont été adressées au Mouvement des étudiants
plus ou moins fédéré à travers les universités
dAllemagne. Dans ces conférences, il pensait alors des choses
écrites plus tard, toujours dans cette forme lapidaire du condensé
paradoxal tel que : "Le futur est linédit de passé",
ou encore ceci : "Les choses anciennes nous regardent. Nous
sommes attendus par elles" ajoutant que ce regard impliquait
pour tâche à chacun, ici et maintenant, dassurer leur
futur et donc de donner à des problématiques anciennes,
une forme et un médium approprié au présent afin
que le présent sache les entendre et en reconnaître lenjeu.
Les "sans noms" de
lhistoire
Plus tard, Benjamin exposera des exigences semblables vis-à-vis
des "sans noms" de lhistoire, de toutes ces vies
anonymes effacées par les dominants, cest-à-dire
par une écriture conservatrice de lhistoire aux mains des
vainqueurs, soit de ceux qui "écrivent lhistoire en
parlant pour les autres". Demblée, on saisit la dimension
critique, politique de cette forme condensée de la parole qui est
le stade musical et architectural de la pensée. [Dans une brève
thèse de Sens Unique, ouvrage paru en 1928 avec une jaquette de
couverture par le graphiste, photographe et designer Sacha Stone, représentant
limage démultipliée du signal routier Benjamin posait
ceci : quune bonne prose a trois stades, musical, architectonique,
textile]. ("Sens Unique" est un ouvrage qui a la forme
de fragments arrachés au territoire urbain avec pour titres multiples,
des noms de rue, des morceaux de placards publicitaires ou denseignes
lumineuses).
Des illuminations
Des énoncés comme "Le futur est linédit
de passé" ou comme "Les choses anciennes nous
regardent. Nous sommes attendus par elles", cette forme
condensée de limage de pensée qui reste au péril
de devenir une formule réifiée comme le masque mortuaire
de luvre achevée, ces paroles singulières
lancées par Benjamin ont toutes lallure de loxymore,
à savoir : "un mode dexposition" qui a connu
en Europe une amplification remarquable dans les arts et la poésie
baroques, à lépoque précisément des
plus grands troubles politiques et idéologiques.
Parmigianino peignait son autoportrait au miroir de barbier, le Tintoret
(1518-94) inventait la bizarre extravagance de LOrigine de la
voie lactée. Corneille pouvait mettre dans la bouche de Chimène
des mots comme : "Où suis-je ? Quelle est cette sombre
clarté qui descend des étoiles ?".
Ce sont au sens strict des "illuminations" que Benjamin
élabore avec une extrême attention. (Par ailleurs, "Illuminations"
est le titre retenu par Hannah Arendt, pour éditer aux Etats-Unis
en 1968, un recueil de textes de Benjamin).
On repère ces images de pensée à luvre
chez les poètes dans des moments singuliers de tournant historique,
et de travail de la langue chez Baudelaire et Rimbaud, (Baudelaire que
Benjamin a traduit pour les lecteurs germanophones et auquel il a consacré
un grand essai et de nombreux fragments). On repère cette texture
daphorisme dans la poésie épique la plus ancienne
et dans le théâtre épique de Bertold Brecht,
un compagnon de pensée et un proche de Benjamin. Dans la poésie
gnomique médiévale et dans le chant des troubadours. Dans
les formes modernes de laffichage de textes et dans les textes théoriques
des manifestes. Dans les titres des photographies éditées
en albums, et dans les légendes des photogrammes des films des
premiers temps. Tout ceci est bien connu de Benjamin. Il sy réfère
pour son essai sur le "Drame baroque allemand", en allemand
"Trauerspiel", en anglais "Mourning Play"
publié en 1928, après lavoir présenté
pour soutenance de thèse à lUniversité de Francfort
en 1925. Cet essai na pas été reçu ni par le
département de littérature ni par celui desthétique
car il tombait quelque part entre les frontières des disciplines
académiques. Ce refus de la part des autorités aura des
conséquences sévères sur le plan de la survie économique
de Benjamin. Ce refus éclaire notamment le non-sens quil
y aurait à vouloir classer le travail de Benjamin par genre ou
par source ou par discipline isolée. Benjamin a une pratique de
la transdisciplinarité critique avant la lettre.
Comme des électrons libres
La condensation maximale des images de pensée qui circulent comme
des électrons libres dans le moindre fragment écrit
par Benjamin, dans sa correspondance, dans ses textes autobiographiques
(dont je recommande la lecture, en particulier celle des "tableaux"
dEnfance berlinoise), se trouve dans un ensemble inachevé
de 18 fragments, les"Thèses sur le concept d histoire"
écrits pendant lhiver de1940 et que Benjamin a eu juste le
temps de confier à Georges Bataille à la Bibliothèque
Nationale avant de fuir la capitale.
[ Jouvre une brève parenthèse biographique en rapport
avec la question quon se pose nécessairement sur le contexte
de production de ces "images de pensée" dans leur forme
la plus tendue. Exilé à Paris, il va connaître le
même sort que bien dautres exilés. Il est envoyé
en camp dinternement en octobre 1939, après la déclaration
de guerre des alliés prononcée deux jours après linvasion
de la Pologne par les troupes allemandes, le 1er septembre 1939. Il est
relâché à la fin novembre grâce au dévouement
de plusieurs amis dont la libraire et éditrice Adrienne Monnier.
Juste avant que les troupes allemandes noccupent Paris le 14 juin
et que la Gestapo vide sa chambre, Benjamin fuyait vers le Sud. La marche
forcée avec quelques compagnons de fuite, une garde espagnole qui
leur interdit le passage vers Port-Bou, ont raison de ses dernières
forces. Dans une pension où il est relégué pour une
nuit, il prend une dose mortelle de morphine dont il décède
le 26 sept. 1940. Il avait alors 48 ans. Il transportait une valise contenant
des manuscrits auxquels il tenait plus quà tout et qui na
jamais été retrouvée. Cette valise perdue est un
déclencheur de fiction inspirant des uvres dimagination
et de réflexion dont celle de Lynn Hershman Leeson "À
la recherche de B ."].
Michael Löwy vient de publier une lecture des thèses de Benjamin
sur le concept dhistoire sous le titre "Walter Benjamin
: Avertissement dincendie" aux éd. PUF, coll. Pratiques
théoriques en mai 2001, dont je vous recommande la lecture.
Dans ces 18 thèses hautement allégoriques, la pensée
de Benjamin a acquis une force de condensation et un art de la pointe
extrême.
Cest une pensée qui a su sexercer avec profit au contact
avec la poésie ancienne et moderne dont Benjamin a fait leffort
du passage des langues par son travail de traduction et du passage des
langages avec une technique de la prose "textile" à entrelacs
dimages dans le format le plus bref et le plus construit.
Les brisures de lhistoire
Cest une pensée qui a fait lexpérience des brisures
de lhistoire personnelle et collective, et qui sest constamment
confrontée à la nécessité de tenir une position
critique réputée intenable car impliquée sur le terrain
de la tradition marxiste dans le matérialisme historique et engagée
à trouver des nouvelles ressources dans le langage de la tradition
théologique notamment par une réflexion permanente sur le
messianisme judaïque.
Comme lécrit la thèse V, il incombe à
chacun de saisir dans la saturation des tensions dun moment historique,
la "chance" de percevoir "le temps dun éclair,
la constellation critique que tel fragment du passé forme précisément
avec tel présent". Ce "temps dun éclair"
est celui qui interrompt, dans un instant dillumination critique,
la fausse continuité de lhistoire présentée
comme telle pour endormir les esprits.
"Temps de léclair", "Seuils du temps",
"Éclats du temps messianique" (des Splitter)
sont autant de termes qui désignent des moments critiques et fragmentaires
de rédemption, et qui ouvrent le potentiel de lhistoire du
côté de son salut.
Les Thèses de 1940 et lOeuvre des Passages
Dans le contexte des mois précédents et suivants la guerre
déclarée, ces "Thèses sur le concept dhistoire"
devaient prendre une fonction dargumentaire au rôle central
joué par Baudelaire dans "Luvre des Passages",
en allemand "Passagenwerk", en anglais "Arcades
Project", une uvre singulière en son genre.
Cest un vaste fichier avec repère de lettres et sticks de
couleur, conçu comme un ensemble sans fin de citations recopiées
minutieusement chaque jour passé à la BN.
"Luvre des Passages" est un chantier unique
ouvert au XXe siècle pour sonder larchéologie de la
modernité et explorer au moyen de cette forme fragmentaire et plurielle
quest la mosaïque de citations choisies pour les "passages",
la fragmentation de lexpérience moderne, la fragmentation
de lexistence personnelle et collective dans le contexte de lindustrialisation,
de léconomie capitaliste et de linstrumentalisation
de la vie.
De même que lensemble inachevé des "Thèses
sur le concept dhistoire", lensemble lui aussi inachevé
de "Luvre des Passages" contient des "
images de pensée " toujours en attente dêtre repérées
et sauvées pour éclairer le temps présent, celui
qui vient au passage du XXIe siècle.
Lallégoricien
Dans les temps sombres des années trente, Benjamin travaille mieux
que jamais en allégoricien. Il cherche par des énoncés
porteurs de "cette sombre clarté" à ouvrir
une brèche dans le temps, à sortir par un autre bord des
désastres de lhistoire, de cette histoire qui bégaye
dans la catastrophe de ses répétitions tragiques.
Le "11 septembre"
Que signifierait alors pour notre temps de travailler en allégoricien
?
- Cela signifie à tout le moins de prendre conscience avec acuité
du présent de lhistoire à la fois personnelle et collective
et de saisir lurgence du sens dune dialectique surexposée
par limage de pensée qui brille dun éclat aveuglant
: "le passé et le futur convergent explosivement dans
linstant présent".
Il se pourrait bien que dans les suites du "11 septembre" 2001,
pour prendre date dun ébranlement de lhistoire qui
fait écho à bien dautres catastrophiques répétitions
de lhistoire, à ce que je nommerai : la vie mutilée,
la défaite de la pensée, lamnésie qui préside
à lécriture de lhistoire produite chaque jour,
dans chaque mot, dans chaque discours prononcé par les "vainqueurs"
(en clair : est "vainqueur" qui prend possession des moyens
techniques de production de masse dans une société mondialisée
par du spectaculaire généralisé), il se pourrait
bien que vous-même ayez su saisir des "images de pensée"
et leur donner forme quel que soit le médium et la technique de
réalisation. Lallégoricien en vous aura probablement
saisi la valeur pronostique de cette brèche dans lhistoire.
Quels opérateurs sont propices à lallégorie
?
Avant de faire une pause de 11 pour voir le court-métrage
de J.-L. Godard, il importe de bien saisir lexigence de ce travail
dallégoricien :
il cible en direction dun concentré de temps contenu
dans des "objets sensibles", des choses et des mots, des fragments
concrets, palpables ou non, il débusque des images de pensée
comme le ferait un combattant sans autre arme que lattention aiguisée
par une circulation intempestive dans lhistoire, sans limites de
date, ni dépoque, ni de lieu, de langue ou de culture. Cest
une faculté singulière qui est requise dans un exercice
permanent et non spectaculaire, soutenu par des opérations de
montage mises à lépreuve aussi bien par la pratique
de la dialectique matérialiste que par le travail du rêve
dans toutes les ressources du langage, et quand il sagit des ressources
discursives, alors celles du langage théologique qui paraît
si éteint, si étiolé, peuvent se révéler
être elles aussi les plus puissantes.
Des capteurs sur le corps
du passé
Le travail de Benjamin à la recherche d "images de pensée"
dans une dialectique matérialiste implique de prendre lhistoire
"à rebrousse-poil". Cest un terme
quaffectionne Benjamin. Il sagit, pour faire la relève
de "linédit de lhistoire", de camper
sur le terrain du présent et de poser des capteurs sur le corps
du passé. [Quitte à le redire : sans limites de temps, de
territoires, de culture, sans limites de genre dans les matériaux
et les médiums ; culture de masse et culture savante, matériaux
de rebut et matériaux dostentation, techniques anciennes
et technologies de la réalité virtuelle, etc.].
Cest le travail du dialecticien et du stratège qui opère
dans la tension de cet arc du sens critique dont une des formes singulières
est lallégorie et qui articule les constituants contradictoires.
Lhistoire nest pas un "déjà donné
ou un prêt à penser" mais une construction, une articulation
désignée par le terme de "montage".
Le montage
Je cite Benjamin qui écrivait ceci en 1932 : "Lallégorie
reflète lorigine mélancolique du capitalisme.
Le montage est la forme non mélancolique de la technique moderne."
Benjamin a exercé avec beaucoup dexigence en théorie
et en pratique lart du montage, quil sagisse
de critique littéraire ou dessais sur le cinéma, sur
la photographie, le design urbain, ou sur le théâtre et la
poésie de Brecht ; ou encore démissions radiophoniques
où il expérimente la technologie de son temps avec pas moins
de quatre-vingt-dix émissions. (Certaines ont été
publiées sous le titre "Lumières pour enfants"
aux éditions Bourgois).
Le montage est limpératif que se donne celui qui a
pris conscience de la fragmentation de lexpérience moderne
dans le contexte du développement des techniques et des technologies
sur le fond de léconomie capitaliste et de lindustrie
culturelle. Le montage est la réponse articulée non
frontale à la mutilation des existences, aux ruines accumulées
par lhistoire du dit "développement" qualifié
à tort de progrès par une écriture positiviste de
lhistoire.
(Theodor Adorno en a précisément fait la relève dans
son ouvrage le plus benjaminien, "Minima Moralia"
publié à Francfort en 1951, réédité
et traduit maintes fois tout au long de ces cinquante dernières
années. Cest lui qui écrit en 1946-47, dans le fragment
152 : "On se sert de la dialectique au lieu de sabandonner
à elle. Cest alors que la pensée dialectique peut
revenir au stade pré-dialectique où elle montre sereinement
que toute chose a deux faces.").
La pie qui vole
Pour fournir les matériaux à ce travail dallégorisation
de lhistoire moderne, Benjamin opère des prélèvements
de fragments concrets chargés dexpériences. Ce geste
tient du rapt de la pie qui vole.
Ces fragments sont autant de "citations à lordre
de lhistoire". Benjamin déclarait à ce propos
: "Les citations sont dans mon travail comme des brigands qui
détroussent les voyageurs à la croisée des chemins
et leur enlèvent leurs dernières convictions.".
Ce prélèvement inaugural au travail du montage tient aussi
dune autre figure allégorique chère à Benjamin
: celle du chiffonnier qui se lève au petit matin pour aller ramasser
ce que les passants ont laissé tomber un chiffonnier de
lhistoire, voilà un évident dialecticien !
Benjamin se représentait ce travail encore par une autre image.
Par une image animale, celle du "bond du tigre" qui,
pour assurer la détente maximale de sa propulsion, sarqueboute
et marque un pas arrière. Ce bond arrière avant, cette tension
au corps et à lesprit prête à saisir des images
de pensée armant la pensée critique. Une telle pratique
requière les qualités dadresse que voit Benjamin chez
lenfant à la chasse aux papillons qui en prédateur
averti mime sa proie, chez le poète escrimeur comme Baudelaire,
chez lanimal, à la fois patience et vivacité.
Des facultés qui se retrouvent dans la personnalité de Benjamin
dont il faut savoir quil a été un collectionneur qui
saisissait au bond une occasion perdue pour les autres flâneurs
sur les quais des bouquinistes, et quil a fréquenté
avec succès les salles de jeu, ce qui dans une période
de noire misère économique lui a servi au moins de quoi
se nourrir !
Le court-métrage de Godard, 11, 1982
Pour voir comment un cinéaste comme Godard se comporte en
allégoricien pour répondre par la bande à la commande
faite par les autorités de la ville de Lausanne de commémorer
le 500ème anniversaire de la ville. Godard répond non frontalement
à la commande de la ville, il y répond par un biais, cest
à dire en sauvant ce quil lui restait à sauver dun
travail de réflexion sur cette commande et en ladressant
à son ami, Freddy Buache, alors directeur de la cinémathèque
de Lausanne, doù le titre du court-métrage "Lettre
à Freddy Buache".
- "Lettre à Freddy Buache", Jean-Luc Godard, court-métrage,
11, coul. 1982 :
un mode de travail à "rebrousse-poil de lhistoire"
dans un va-et-vient, aller-retour dans lhistoire qui lie le personnel
au collectif, le local au global
qui prélève au ras du sol le microscopique fragment et lactive
au présent de la macro histoire
qui tente de produire des images condensatrices du temps et du territoire
qui les articule sur un plan architectonique et dégage cette trouvaille
: que Lausanne cest du gris au centre, du vert en haut (au lieu
du bleu du ciel), et du bleu en bas
qui se saisit de loccasion dun vers de Baudelaire, du lancement
de la sonde "Explorer", dun énoncé de Wittgenstein,
dune peinture de Bonnard pour ouvrir le prisme de "lumières"
doù émergent finalement les habitants de la ville
en "arrêts sur image".
Au final, cest sur la boucle de la bande son dun fragment
du "Boléro" de Ravel, un hommage aux gens "pathétiques
et magnifiques".
"Quil y a urgence"
On saisit aussi que Godard sinscrit comme Benjamin dans un partage
de savoirs, de saveurs et dexpériences. Ce nest pas
là la moindre des leçons. Elle tord le cou à lhydre
du "génie solitaire", une mythologie entretenue par la
faction la plus conservatrice de la bourgeoisie du XIX ème siècle.
Et puis il y a aussi ceci à retenir : "quil y a urgence".
Lurgence ne connaît ni le moment ni le lieu. Elle arrive comme
une évidence à devoir sarrêter sur la bande
durgence dune autoroute pour filmer un plan entre deux éclaircies.
Il y a bien sûr lhumour et la provocation chers à Godard
qui enregistre linterpellation de lagent de circulation
Benjamin était sensible, sur un mode probablement plus tragique,
à ce caractère durgence dont il synthétise
les enjeux dans un texte qui est un autoportrait en creux, intitulé
"Le Caractère destructeur". Tout leffort
impliqué par lacte de citation, par le travail du montage,
par la saisie dune image de pensée, par lexercice
de lallégoricien dialecticien comporte cette part
de destructivité pour "ouvrir des chemins".
Sur le mode de travail de Benjamin
Benjamin travaillait entouré de livres, mais pas seulement. (Voir
à cet égard, lessai "Je déballe ma
bibliothèque" (1931), éd. Payot & Rivages poche,
Paris, 2000). Il partageait ses réflexions dans des petits cercles
damis, il apprenait au contact des autres à travers de longues
conversations (notamment avec son amie Asja Lacis qui linitie à
la pensée marxiste et linvite à Moscou, avec Bertold
Brecht, avec Gershom Scholem, avec Adorno, avec des écrivains allemands
à Paris et des écrivains français comme Jean Selz).
Sa correspondance de travail est aussi un mode déchange.
Lamitié joue un rôle important dans cet exercice permanent
de la réflexion, des amitiés durables comme celle de Gershom
Scholem (1897-1982) qui tiendra un enseignement pionnier dans la mystique
judaïque et la cabbalistique à lUniversité de
Jérusalem.
Aura été marquante une amitié durable avec un de
ses professeurs, Gustav Wyneken, un pédagogue promoteur de lenseignement
libre qui enseigna à lécole dHaubinda en Thuringe
où Benjamin va passer deux ans, de 14 à 16 ans, après
avoir convaincu ses parents de le sortir de lécole Kaiser
Friedrich, une école administrée par danciens officiers
de larmée dans le quartier huppé de Charlottenberg
à Berlin. Avec Wyneken, il apprend à étudier en faisant
des excursions. Cest dans cette classe quil prendra la décision
de rejoindre des groupes détudiants débattant de léducation,
de la politique des institutions, du "souci de soi".
Adolescent, Benjamin organise des groupes de lecture qui se donnent rendez-vous
en ville ou parfois dans la loggia de lappartement familial. (Voir
à ce propos, le texte intitulé Loggias dans Enfance
berlinoise qui décrit ce que lenfant dans le landau percevait
des rumeurs de la cour de limmeuble, rumeurs qui ont une valeur
prophétique. Benjamin a insisté pour que ce texte soit placé
au centre de lensemble des " tableaux " de souvenirs denfance,
comme un pivot articulant deux grandes séries de textes, lune
placée sous le signe des mères, lautre sous celui
des pères).
"La Vie des étudiants"
Quand Benjamin rédige les deux conférences données
en mai et juin 1914 (il a 22 ans) et publiées de 1915 sous le titre
"La Vie des étudiants", il condense des réflexions
échangées avec le groupe des "étudiants libres".
Il y expose ses propres idées sur "la vie des étudiants
confrontée à la question de son unité consciente"
et au "courage de ne jamais se soumettre à un principe".
Il y parle de la rénovation de luniversité, de la
science, des rapports entre luniversité et lÉtat,
de lembourgeoisement des institutions, de la dénaturation
de lesprit de la création, de léros de
cet esprit atrophié par le conservatisme de lenseignement
supérieur. Il expose comment une jeunesse finit par laisser sobscurcir
sa propre idée de savoir et de lenseignement et se laisse
infléchir le contenu de sa propre vie. Il en appelle à une
prise de conscience et au courage de la plus haute exigence et il termine
par ces mots : "Par voie de connaissance chacun libérera
lavenir de ce qui aujourdhui le défigure."
Lexercice de la pensée critique est à luvre
avec son objectif fidèle à lui-même tout au long dune
vie: changer le cours de lhistoire.
(Benjamin étudie à luniversité de Freiburg-in-Brisgau
en 1912 en classe de philosophie, à lâge de 20 ans,
puis à luni. de Berlin, puis à luni. de Münich.
Il suit dans ces universités des cours dhistoire de lart
et de littérature, dont à Berlin, ceux du sociologue Georg
Simmel (1858-1918) qui enseigne "lexpérience urbaine"
de la vie quotidienne des métropoles. À Münich, en
1915, il suit les cours dhistoire de lart dHeinrich
Wölfflin (1864-1945) dont il dira que cette expérience aura
été la plus désastreuse expérience de pensée
quil ait eu à faire).
"Lexpérience, voilà ce qui mintéresse"
Le concept moderne dexpérience
dans sa relation
à lexpérience moderne de la technologie.
Comme fondement de la pensée critique et rôle central
dans la "théorie critique de lhistoire".
Quest-ce au juste que faire une expérience ? Comment
lui donner forme concrète ? "Lexpérience,
voilà ce qui mintéresse", affirme Benjamin
pendant le temps de ses études en philosophie, dans le contexte
de la pensée néo-kantienne dont il développe une
version radicale.
Un fragment autobiographique rappelle limportance de la notion
dexpérience. Cest une parole répétée
par son frère au retour de chaque excursion familiale, et qui disait
: "Voilà quelque chose de fait !". Benjamin
médite cette parole.
Sil ny pas "da priori" de la connaissance,
il ny a pas non plus dans lacquisition de nouvelles connaissances
la garantie de la tradition ou celle dune doctrine. (Note. L
"apriorisme" considère que la découverte de nouvelles
connaissances se fait par la pure raison, par la logique, et ne dépend
pas de l'expérience empirique ; il est encore rattaché à
une métaphysique).
Benjamin se met en situation de faire des expériences concrètes
et de toujours articuler le travail proprement conceptuel à une
pratique concrète. Par exemple, il tient son Journal simultanément
à la préparation des conférences sur "La
vie des étudiants" pour les assemblées des étudiants
libres à Berlin en 1914.
Un voyage, des conversations, la lecture de journaux, la transcription
de rêves, lusage dune machine (un appareil photographique),
la connaissance dune technique comme la radio ou le téléphone,
sont autant dexpériences concrètes qui donnent forme
aux réflexions sur le rapport au capitalisme, à lÉtat,
aux institutions, au service militaire. (Il parvient à se faire
réformer en 1914 et à partir en 1917 avec son épouse
Dora en Suisse, à luniversité de Berne, pour poursuivre
sa thèse sur "Le concept de critique dart dans le
romantisme allemand").
Benjamin reproche à Kant de limiter le concept dexpérience
à un modèle mathématique et scientifique. Selon lui,
un travail conceptuel qui ninclurait pas la "dose dexpérience"
comme de prendre un café dans la journée, de sasseoir
à une table et de converser, lui semble manquer totalement dancrage
critique, et il soupçonne que sans la "dose dexpérience"
il y a perte de pensée critique.
Benjamin donne pour fondement à lexercice de la pensée
critique, lexpérience concrète, personnelle et collective
quil "ramasse dans des matériaux multiples, la mosaïque
des faits et gestes de la vie, des choses et des mots". Dans le souci
de construire lélémentaire du travail de la pensée
critique, il articule le concept dexpérience, à celui
de connaissance, et ceux-ci, à celui de liberté. Il
ne sagit plus dune métaphysique mais dune dialectique
matérialiste où la théorie moderne de lexpérience
effectue la relève de lordinaire de lexistence, labile,
poreuse, fluctuante, simultanément à la relève des
expériences plurielles avec les techniques du monde moderne.
En résumé
Ce qui distingue notoirement Benjamin des autres penseurs et membres de
l "École de Francfort", cest de concevoir
une théorie moderne de lexpérience qui effectue
la relève de lordinaire de lexistence, labile, poreuse,
fluctuante, simultanément à la relève des expériences
plurielles avec les techniques du monde moderne, et qui articule le concept
dexpérience à celui de connaissance, et ceux-ci,
à celui de liberté. Voir la lettre de Benjamin adressée
de Paris à Adorno aux Etats-Unis, le 7 mai 1940 : "Pourquoi
vous cacher que je trouve dans un souvenir denfance la racine de
ma "théorie de lexpérience"."
La rencontre de Benjamin avec le monde de lart
Cette rencontre commence, dans le contexte élargi à tout
un environnement urbain, dont la proximité de Tiergarten,
dans une famille de la bourgeoisie judéo-allemande où le
mobilier de lappartement, sa mère et son père contribuent
de multiples manières à la formation dune sensibilité
aux choses de lart. Le père est un homme daffaires
qui a une activité de commerce dart. Lintérieur
de lappartement est rempli dobjets, de tableaux, de gravures,
et de vaisselle exposée. À Noël, sa mère garnit
un arbre de multiples pendeloques dont Benjamin se souvient avec émotion
dans un texte d "Enfance berlinoise", et qui dune
certaine façon développe son goût pour les objets
de la tradition populaire.
Enfant, il collectionne beaucoup de petites choses, des timbres poste,
des papillons, des cailloux, des cartes postales, etc.
Adulte, pendant ses voyages, il prolonge ce geste. Il se plaît à
collecter les images des pains dépices et à acheter
des jouets de bois et des livres pour enfants pour son fils Stéphane.
Les livres pour enfants notamment représentent pour lui, un univers
dimages, un monde de sensibilité et dimaginaire, une
qualité de production technique quil affectionne au point
de ne jamais vouloir sen séparer, même dans les plus
grandes difficultés de lexistence, des déménagements
multiples, un divorce, et une précarité totale dès
1937.
Une rencontre significative avec le monde de lart a eu lieu dans
les séances de pose chez le photographe pour des portraits individuels
et des portraits de famille. On lui a demandé de poser en alpiniste
devant un décor de montagne, en tenant un bâton de marche,
avec sac au dos et vêtu à la mode des randonneurs. Lobligation
de la pose, le sourire demandé, le décor artificiel, tout
ceci lui a été pesant. Il se souvient de sa perplexité
quand le photographe lui a demandé de "se ressembler
à lui-même".
Durant toute son existence, Benjamin a éprouvé une horreur
fascinée (cest le cas de le dire) des intérieurs bourgeois
surmeublés dans le style Biedermeier. Des intérieurs qui,
comme il lécrit, "avalaient leurs habitants et
les digéraient lentement". Cette expérience
le rapproche de Brecht et des réflexions quils pouvaient
ensemble partager sur lidentité de lhomme du 19e siècle,
un homme étui qui laisse les traces de son corps
partout sur les tissus et les velours des sièges, un individu qui
est hanté par les reflets de largenterie exhibée et
qui ne sait plus où regarder dans ce décor de papiers peints,
de tentures, de tapis de table et de sol.
Le dégoût avive dune certaine façon lattrait
et lintérêt que portera Benjamin au design de meubles
et darchitecture développé par le Bauhaus. Rétrospectivement,
tout ce qui aura été un premier terrain dexpériences,
permettra à Benjamin darticuler en connaissance de cause
une réflexion sur les notions dusage et dexposition
dans une critique de lhistoricisme qui charrie quantité de
valeurs dangereuses au niveau du politique. Benjamin capte dans ces environnements
la trace dune catastrophe éthique et esthétique confirmée
par les vitrines de la capitale sur le Kurfüstendamm.
Le goût pour une certaine simplicité éprouvée
déjà dans les agencements sobres de lécole
"pilote" de la campagne dHaubinda se raffermira au contact
dintérieurs et de constructions vues pendant ses voyages
dans les petites villes, notamment en Italie, en France et en Espagne,
puis à Ibiza en particulier.
Lexpérience concrète de lart au sens élargi
et dans ses dimensions plurielles, depuis les expériences denfance,
est un des objets de lécriture de lhistoire toujours
présent à lesprit de Benjamin. Lorsquil sera
pendant une longue période de lannée 1932 loin de
lAllemagne, il commencera alors à rédiger les différents
moments de ce qui constituent "Chronique berlinoise"
et "Enfance berlinoise autour de 1900", des textes
importants du point de vue de ce rapport aux choses de lart et de
lhistoire.
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