DÉFINITION LIMINAIRE
La condition digitale est lensemble des interfaces virtuelles
du sujet avec le monde.
CARACTÉRISTIQUES majeures théoriques de la condition
digitale dans la représentation, la production, la communication
et linformation.
UN TOURNANT CULTUREL MONDIAL À LÂGE DE LA GLOBALISATION.
Changement dère.
Lâge digital, lâge virtuel, lâge informatique.
L'âge digital rompt la chaîne du réel ; chaîne
par filiation (le symbolique), par généalogie (le réel),
par archéologie (l'imaginaire)] et dissémine dans le monde
des produits issus de modèles construits par codes numériques,
avec ou sans simulation.
UNE MUTATION HISTORIQUE dans les représentations du monde modifié
en réalité virtuelle interactive avec le monde matériel
dit " vie réelle ".
UNE CULTURE DE LÉCHANGE MONDIAL inscrite dans un réel
virtuel.
UNE VIRTUALISATION DU RÉEL génératrice dune
pluralité dinterfaces (sites web, Internet, e-mail, réseaux,
logiciels, etc), soit : un cyberespace.
UNE MÉDIATION ET UNE ANTICIPATION TECHNOLOGIQUE des modes de représentation,
de production, et de communication.
UNE BOUCLE passant par le virtuel avec retour dans le réel.
1 - Le digital
2 -Le potentiel mondial de recherche, dinformation, de communication.
3 - Le travail en réseau.
4 - Le partage des savoirs.
5 - Linternationalisation de laction politique protestataire.
6 - La mondialisation économique capitaliste.
7 - Linstrumentation de la gouvernance mondiale du monde "occidental".
CARACTÉRISTIQUES TECHNOLOGIQUES
8 - Le temps réel, la simultanéité.
9 - La multiplicité des écrans.
10 - Les interfaces.
11 - Les assistants intelligents.
12 - Les acronymes.
13 - Hacker et Cracker.
14 - De simples notions cyber.
15 - La téléprésence.
16 - Les mémoires numériques.
17 - La modélisation active.
18 - La discrétisation.
19 - La logique floue.
20 - Le tapis numérique de " O " et " 1 "
1 - Le digital
Digital ou numérique. Mot et adjectif servant à désigner
un nouveau langage fait de signaux numériques (désignant
aussi des données composées de chiffres), et plus globalement,
marquant le passage à une nouvelle ère à léchelle
mondiale.
" We are no longer the objects of a given objective world, but projects
of alternative worlds. From the submissive position of subjection we have
arisen into projection. We grow up. We know that we dream."
VILÉM FLUSSER (1920-1992). "Digital Apparition",(Digitaler
Schein, Suhrkamp Verlag) in: Electronic Culture, edited by
Timothy Druckrey. Aperture: New York, 1996.
La numérisation (angl.digitization) est la traduction en
langage numérique de différents médias (texte, son,
images) qui code linformation en signaux numériques. Ce langage
a permis la convergence historique des mondes des télécommunications,
de linformatique, de la création (édition, cinéma,
audiovisuel). Le digital est à la base de la mutation dune
société de linformation en réseaux faisant
converger le domaine privé et public, le champ professionnel et
celui des loisirs, le local et le global. Une mutation qui eût intéressé
Walter Benjamin (1892-1940) dans ses effets culturels et politiques, ses
promesses et ses impasses à lâge de la globalisation.
2 - Le potentiel mondial de recherche,
dinformation et de communication
Le Web en tant quespace virtuel et support technologique de "
navigation " représente un cyber-hypermédia, induisant
des modes de communication et de recherche par logique associative, non
linéaire.
Voir linvention du langage html où lhypertexte, les
hypermédias, et les mémoires numériques innombrables
par connexions dordinateurs augmentent le potentiel de calcul et
de réseaux dans un monde définitivement complexe et hybride.
3 - Le travail en réseau (angl. network). Lassociatif,
le collaboratif, le newsgroup
Groupe de discussion dédié à des thèmes, forum
et groupe de nouvelles Usenet. Voir http://www.usenet.org
. Participer aux discussions, consulter et poster des messages. Les groupes
de nouvelles sont comparables à un énorme journal constitué
de rubriques (les thèmes). Le protocole NNTP diffuse les messages
des groupes de discussion.
4 - Le partage des savoirs dans le partage des ressources
Partage des fichiers peer-to-peer P2P (égal à égal)
Les produits " libres " de droit
Gratuit, logiciel gratuit (angl. freeware). Logiciel copié
et distribué gratuitement, sur lequel les auteurs gardent les droits.
Autre type : logiciel contributif en libre essai sur lequel le programmateur
conserve des droits dauteur et pour lequel il est demandé
à lutilisateur, après lessai gratuit, de verser
une modique somme d argent (angl. shareware). Autre type
: logiciel libre, disponible gratuitement et à source accessible
pour modification (angl. open source software) comme Linux
et ceux de la Free Software Foundation.
ICQ (I seek you : " je vous cherche "), logiciel gratuit
de conversation en temps réel pour le web (logiciel concurrent
: AIM (AOL Instant Messenger).
Napster (logiciel, système déchange de fichiers musicaux
introduit en 2000, interdit par la justice, fermé fin juin 2001),
MPEG et Gnutella ou Macster (pour MacOS) : systèmes gratuits de
téléchargement des fichiers de musique MP3, programmes de
partage pour échanger des fichiers de musique sur Internet, à
la limite de la légalité car exploités par des "
pirates " de fichiers qui copient et diffusent des jeux piratés,
des logiciels, des fichiers MP3 (musique) et DivX (films). MP3 format
de fichier de musique de qualité équivalente à un
disque compact audio. Fichier de compression pour CD-Rom (10h de musique
en MP3). Freenet est le projet dun étudiant écossais
pour la création dun réseau de libre parole et de
partage parallèle à lInternet. La tendance est à
léchange de médias de toutes origines entre internautes
bien que prohibé sur les sites institutionnels et par les sociétés
propriétaires des droits dédition et dauteur.
Free Software Foundation (FSF), Fondation pour les logiciels libres initiée
par Richard Stallman. La fondation diffuse des programmes informatiques
librement utilisables et modifiables sous licence GPL (General Public
License). Un free software sous licence GPL a une source accessible pour
les modifications.
5 6 7 -Linternationalisation de laction politique protestataire
La technologie des réseaux de lInternet comme moyen de laction
politique transfrontalière, translinguistique, transculturelle,
comme support de la protestation dans la société capitaliste
postindustrielle, comme diffusion dune praxis de la théorie
politique. Messageries du Web, forums de discussion, documents de témoignages
attachés, etc. (Autre médium de la formation des actions
politiques de résistance : la téléphonie mobile,
les messages sms, etc.). Exemples. La première cyberguérilla
diffusée mondialement : le mouvement zapatiste du Chiapas entamé
en 1994 dans la forêt des Lacandons au Mexique, lorganisation
de lArmée zapatiste de libération nationale (EZLN),
les communiqués du sous-commandant Marcos et des " commandants
" zapatistes. Voir http://www.lemonde.fr/chiapas
Les protestations et sit-in des " sans-papiers " en Europe,
relayés à travers lInternet et fondés sur la
culture informatique de linformation et de la communication en réseau.
8 - Le temps réel, la simultanéité
Condition de la téléprésence, des forums de discussion,
des vidéoconférences.
La vitesse en nanoseconde (un milliardième de seconde. Symbole
de nanoseconde : ns).
9 - La multiplicité des écrans. Une culture écranique
Lécran comme interface de multiples activités. Travail
à lécran, écriture et lecture à lécran.
Communications, informations, relations professionnelles et personnelles
par écrans. Surfaces murales décrans. Lécran
comme première surface amnésique dans lhistoire des
supports. Écran tactile sensible à la pression.
La webcam. Caméra Internet permettant de communiquer et
dassurer le suivi de la communication, ou lobservation et
la surveillance.
Cu-See-Me (je te vois, tu me vois). Logiciel de vidéoconférence
en temps réel sur lInternet permettant de dialoguer par lintermédiaire
dune caméra numérique reliée à lordinateur.
Logiciel gratuit développé à lUniversité
de Cornell (CU- Cornell University).
Ecran. Un nouveau paradigme visuel de la télé-expérience
du monde. Pour condition digitale: le continuum d'écrans,
surface amnésique, milieu des interfaces, entités intelligentes.
Vers une culture "écranique"? Les écrans, écrans
de télévision, dordinateur, de jeux vidéo,
constituent le paysage familier dimmersion dans la condition digitale
des individus des sociétés postindustrielles. Un mot désigne
le phénomène pour la génération des adolescents
(angl. fam. Screenager ; adolescent à lécran). Voir
" Introduction à une théorie de lécran
", syllabus du séminaire 2001-2002.
Un essai de " Grammaire digitale " pour le site 2002 du séminaire
<Walter Benjamin/Cybermédias> discute de la pratique technologique
et de la théorie de lécran.
Le nouveau paradigme technologique.
Multifenêtrage, menu en cascade * cascading menu, hypertexte, hyperdocument,
hyperimage et hypermédia. Lhyper, signifiant générique
dactif, de zone active, dynamique.
Note : Le futur réinvente le passé médiéval
des polyptiques, des retables à volets, des manuscrits à
blocs de texte, des enluminures historiées, des fonctions de surlignage
(angl. highlighting feature), des parcours arborescents.
10 - Les interfaces
Les multiples genres et domaines dapplication de linterface
représentent un champ sémantique en extension continue.
Linterface homme-machine (angl. human-machine interface) en est
lélément onto-technologique générique.
Exemples : interface de communication, interface de ligne de commande
pour inviter lutilisateur à intervenir (angl. prompt message
; message dinvite), interface de navigation, interface graphique,
interface utilisateur, réseau (angl. gateway > network).
11 - Les assistants intelligents
ou " knowbot "
Les logiciels danalyse, les logiciels de production dimages,
dhypermédias, de bureautique. Les assistants numériques
personnels (exemples : Palm Pilot, PalmOrganizer, Psion).
Agent intelligent, robot (angl. robot, bot, knowbot, agent.
La racine know signifie " idée de savoir ". Knowbot pour
knowledge robot). Logiciel capable deffectuer des tâches pour
lutilisateur en fonction de paramètres prédéfinis.
Assistants virtuels :Ananova, " the first virtual newscaster
" ; Noa, " a personal assistant to life " ; Bonzi
Buddy, " an active MS Agent who lives on your browser window
". Aide à la recherche selon le profil de lutilisateur
: BargainBot pour lachat de livres. Mailbot, répondeur-robot
de courrier électronique. Majordomo, soccupe de la
gestion des forums. http://www.agentland.com
12 - Les acronymes
Une culture de lacronyme. Exemples : OOL, object-oriented language,
langage orienté objet (langage de programmation dans lequel des
entités (objets) possèdent leur propre code de programmation
(Java language). PDA, personal digital assistant.
13 - Hacker et cracker
Hacker, passionné-e dinformatique. Cracker
ou phreak, pirate informatique (par jeu ou dans lintention
de nuire).
Cyberaddict ou cyberholic. Drogué-e du cyberespace.
14 - De simples notions cyber
Le concept de cybernétique a été définit en
1948, au MIT par le professeur Norbert Wiener, mathématicien
américain, comme l " étude des processus de communication
et de contrôle chez lêtre vivant et la machine ".
Le cybermonde ou cyberespace. Un monde virtuel. Une culture de
la " navigation " virtuelle mondiale à la recherche de
contacts, dinformation et de nouvelles conditions daction.
Le cyberpunk. Un genre littéraire américain de science-fiction,
apparu dans les années 80, fondé sur la technologie
et lanticipation. (Voir William Gibson, Neuromancer (1984)). Par
extension : un mode didentité culturelle.
La cybercommunauté (angl. cybernetic community).Communauté
virtuelle, électronique communiquant au moyen de lInternet
(le plus grand réseau électronique mondial à ce jour).
Le cyborg ou landroïde. Espèce dêtre
cybernétique, machine et homme, basé sur la technologie
réelle et danticipation. Par extension, tout individu modifié
par implants, etc.
Le cybermarché (angl. cybermarket, e-market). Commerce
sur Internet.
Le cyberart ou computer art. Art cyber, art numérique, art
technologique.
Le cybernaute ou internaute (angl. cybernaut, Internet citizen,
net-citizen, netizen).
Le cyberbranché-e (angl. cyberwired).
Le cybersexe. LInternet rose (angl. cybersex, net sex).
15 - La téléprésence
Une opération de dissolution de lespace dans son étendue
mesurable en temps réel.
La téléprésence est la notion signifiant l'ensemble
des phénomènes de transmission et de communication par la
technique du signal numérique et donnant accès à
la présence virtuelle dans l'univers concret.
La téléphonie en est une des préfigurations.
Par la téléprésence, le sujet se déplace virtuellement
dans un lieu réel sans y être physiquement. Il peut être
simultanément dans plusieurs lieux et interagir avec d'autres sujets
formant des communautés sans géographie, des
communautés virtuelles.
La téléprésence transforme les échelles spatiales,
sociales et énergétiques du champ sensible en donnant accès
aux mondes submicroscopiques (par endoscopie), aux galaxies lointaines
(par sonde), aux fonds sous-marins, etc.
16 - Les mémoires numériques
Une opération de mémorisation planétaire
La mémoire numérique transforme la matière des phénomènes
du champ sensible en signaux magnétiques et/ou électroniques.
Elle permet d'interagir au présent avec des matériaux du
passé et de modifier la représentation du passé à
partir de bases de données qui restituent fidèlement, par
la discrétisation des données, la nature des phénomènes
sensibles et non sensibles.
La vitesse de calcul de la croissance d'un organisme permet en biotechnologie
d'étudier par fraction de secondes les mutations génétiques
produites pendant des siècles et d'en restaurer les processus en
compression temporelle.
17 - La modélisation active
Une opération de substitution dobjets du monde réel
par les objets virtuels
Le terme générique de simulation recouvre l'ensemble
de la production de modèles de la réalité ou de modèles
fictifs actifs, et non pas passifs comme des formules mathématiques
ou des dessins.
Le sujet dispose avec les logiciels de modélisation du modèle,
soit un algorithme de calcul, et du phénomène observable,
duplicable indéfiniment, et ouvert au processus d'interaction.
La modélisation est une opération fondamentale de la représentation
opérant une coupure définitive avec les dimensions spatio-temporelles
et les substances de l'univers sensible.
18 - La discrétisation
Réflexions sur la réalité de l'invention des mondes
virtuels, sur la "conviction de réalité" et sur
les effets de réel de la digitalisation.
La discrétisation est une des deux conditions majeures de représentation
introduite en informatique, l'autre étant le calcul.
Par discrétisation, on entend la substitution d'un signal numérique
par un nombre fini de valeurs prises dans un nombre fini de possibilités.
Cette substitution permet la transmission, la conservation, la multiplication
à l'identique d'un signal quelconque discrétisé en
nombre suffisant d'éléments discrets (ensemble de valeurs
prises sur un signal donné entre deux points du temps).
Le temps informatique est discrétisé. Les ordinateurs ont
une horloge comptant des instants en nanosecondes avec la précision
et la régularité extrêmes de la pulsation des quartz.
Les quartz pulsant les nanosecondes constituent la substance du temps
dans l'univers informatique. Cet univers n'a ni infini, lié au
fond de la matière, ni être-en-soi constitué d'atomes
réels. Il se compose d'une surface numérique de "0"
et de "1" en nombre astronomique fini. Cette condition est la
même pour tout langage.
Les opérateurs logiques élémentaires de l'informatique
produisent un grand nombre de combinaisons permettant de faire des opérations
complexes interagissant entre elles, contrairement aux premières
machines à calculer, tel que le boulier.
Par ces dispositions et d'autres encore, comme les processus d'interaction
et de mémorisation, la machine informatique est capable de construire
des substituts aux objets de la réalité, des modèles
actifs faisant "retour dans le réel" sous forme de produits
n'ayant pas eu de filiation dans le réel. L'âge du digital
rompt la chaîne du réel [chaîne par filiation (le symbolique),
par généalogie (le réel), par archéologie
(l'imaginaire) et dissémine dans le monde des produits issus de
modèles construits par codes numériques avec ou sans simulation.
19 - La logique floue
Plus les processus électroniques sont poussés dans la précision
digitale, plus ils entrent dans la logique floue, telle est l'axiomatique
spécifique à l'exactitude binaire.
L'électronique laisse de plus en plus de place au "plus ou
moins", soit aux dimensions de l'entre-deux.
Le concept de logique floue est introduit en engineering pour des appareils
électroniques à systèmes de transmission permettant
des adaptations à des contextes variables (voitures, sondes météo,
micro-ondes, camescopes, systèmes de contrôle, etc.).
Dans le domaine de l'électronique, l'avancée de la recherche
des pays asiatiques et les applications commerciales rendent compte de
la présence de la logique floue en mathématiques et dans
d'autres systèmes de signes et de symboles en accord avec les philosophies
intégrant les principes de contradiction.
La première conférence réunissant des théoriciens
de la logique floue aux États-Unis, a eu lieu à Austin ,Texas,
en 1991. L'ouvrage de Bart Kosko, professeur à la Southern California
University à Los Angeles, intitulé "Heaven in
a Chip: Fuzzy Visions of Society and Science in the Digital Age",
New York, Three Rivers Press, 2000, expose les idées fondatrices
de la logique floue et les domaines d'application actuels. La pensée
" fuzzy " qui représente une vision de la vie et de lunivers,
concerne le moindre fait de la vie quotidienne de chacun, dans la mesure
où elle prend une distance avec la logique " primitive "
des oppositions " carrées " qui nintègrent
pas le principe de contradiction ni celui de la complexité.
Voir aussi le roman de Bart Kosko où il expose ses idées
par le biais de la fiction, intitulé "Nanotime
", New York, 1997.
20 - Le tapis numérique de "0" et de "1"
De simples questions devant de si simples formes, de si simples chiffres.
Le digital pour commencer: le cercle et la ligne. O|: zéro 1.
0 > le cercle d'une boucle parfaite.
1 > le chiffre des trois monothéismes.
| > la capitale de la lettre "i", angl. I ("je").
0| > le point de référence imaginé par
Archimède.
La condition digitale a pour "surface première", un tapis
numérique de "0" et de "1".
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