Monday, 8 May 2006
Chère Lore,
Suite à ma lecture de la présentation de votre projet, voilà ce que je crois comprendre et les questions que je me suis posées: il me semble que l’organisation de rencontres aléatoires et déclassifiées soit la forme du projet et que le fond soit une traversée partagée du sensible entre des gens ayant des expériences différentes, des vécus isolés, des formes d’expression particulières.
Votre production collective serait une présentation « in situ » de l’ensemble des effets issus de cette mise en espace sur une durée précise dans un cadre donné d’intervenants et du public invité à suivre cette série de journées.
Il me semble lire que vous vous préoccupez de la question de l’engagement politique de l’art et de sa place dans la société : L’art dans son rôle médium potentiel de contre-pouvoir, de révélateur d’oppositions à un ordre établi, révélateur et outil de contestations.
Votre essai d’aujourd’hui serait- il, sans renoncer à l’idée d’engagement dans la société, se donner les moyens de marquer une rupture par cette proposition de médiation, et de diffusion, avec le champ académique des représentations ciblées, catégorisées, et spectaculaires des oeuvres transformés en objets à consommer ?
Il me semble que vous cherchez à ouvrir des portes, décloisonner des hiérarchies, des milieux, effacer des frontières pour que des matières issues d’expériences sans unité apparente se croisent, se mélangent et produisent un inattendu.
Le silence chez Cage c’est tout ce qui s’entend là où le son n’a pas été intentionnellement voulu. (ex : Le son de la page du livre que nous tournons pendant que nous lisons).
Quand vous parlez de « résistances silencieuses » : serait-ce l’agir et le savoir faire des gens qui s’expriment par leurs gestes, leurs paroles, sans l’intention de le proclamer ?
Peux-tu me préciser votre choix d’invitation « d’agriculteurs » ? et de la lecture de pages relevées par Zahia sur la nature dans la littérature ?
L'importance de la nature aujourd'hui ?
Qu'est ce qu'une "programmation organique"?
Qu'est ce qu'un public ou une assemblée participative à vos yeux ?
Avez-vous trouver un titre générique ?
Si tu as un peu de temps pour me faire quelques lignes réponses à ces questions, j'en serais ravie. Ainsi, je saisirais mieux ce que vous cherchez à mettre en place et me permettrait de définir mieux l ‘introduction du film que je pourrais faire …
Bien lu aussi les choix de François Jarrige pour son intervention du lendemain.
Tiens bon !
Amitiés & kisses
d'Eve#
Friday, 12 mai 2006
Chère Eve,
j'ai pris un peu de temps avant de te répondre, je m'en excuse. Beaucoup d'effervescence ici ce début de semaine (atelier avec les étudiants).
J'ai beaucoup apprécié ta lecture du projet et je vais tâcher de répondre au mieux à tes quelques interrogations :
Tout d'abord, notre projet s'intitule "Un pas de côté" ("a step aside")
Votre essai d’aujourd’hui serait- il, sans renoncer à l’idée d’engagement dans la société, se donner les moyens de marquer une rupture par cette proposition de médiation , et de diffusion , avec le champ académique des représentations ciblées, catégorisées, et spectaculaires des oeuvres transformés en objets à consommer ?
Il est très clair que dès les prémices du projet, nous avons choisi de nous écarter des modalités de l'exposition d'oeuvres et favorisé l'accession à une documentation spécifique et relative au travail développé par les artistes invités. Ce geste constitue pour nous une critique du modèle de l’exposition qui tend à opacifier les œuvres, à les confiner dans une langue scientifique et impénétrable. Nous avons souhaité "rendre à la disposition" du public le travail artistique, c’est-à-dire lui permettre de se saisir d’outils de lecture et ainsi, d’amorcer son propre cheminement réflexif. Donc, en effet, il ne s’agit pas ici de consommer les œuvres, mais de se saisir et d’être saisi par une démarche artistique. Il est vrai également que les artistes avec lesquels nous avons choisi de travailler sont eux-mêmes impliqués dans réflexions et des interventions qui mettent en question les systèmes de représentation, de contrôle et les modes de consommation actuels.
Quand vous parlez de « résistances silencieuses » : serait-ce l’agir et le savoir faire des gens qui s’expriment par leurs gestes, leurs paroles, sans l’intention de le proclamer ?
Tout à fait. Notre propos est très clairement la mise en lumière des comportements, des gestes, des tentatives amorcées par des gens qui ne se positionnent pas dans un rapport de résistance frontale mais engagent des manières de vivre décalées, alternatives.
Qu'est ce qu'une "programmation organique"?
Je me suis du coup moi-même interrogée. J'ai réalisé que « organique » dérive du mot organe, il est donc proche des notions de « vital », « nécessaire ».
Je crois que nous avions plutôt cherché à exprimer la sensation du « vivant », du « mouvant », non du vital. Peut-être le terme « complexe » serait plus adapté. Il me semble que la complexité réflexive engendrée par les multiples rencontres programmées (où sont abordées les relations de l'économie et du politique à l'espace vécu) est un des axes forts du projet. Cela dit, Vladimir (qui est à côté de moi) souligne que cet « organique » se réfère par ailleurs à la manière dont nous avons élaboré le projet (les rencontres avec les associations locales ou les producteurs, les déambulations dans la ville).
Qu'est ce qu'un public ou une assemblée participative à vos yeux ?
Nous concevons la participation comme une collaboration. Il est néanmoins intéressant de maintenir cette notion de participation, d'avantage problématique : la modalité participative est en effet aujourd’hui l’un des outils de contrôle de la politique néolibérale. Elle suppose de la part des participants autorégulation et responsabilisation (le devoir être créatif, collectif, initiateur...). La participation envisagée comme collaboration demeure à nos yeux une forme extrêmement riche.
L'espace permanent ouvert pendant les 15 jours est avant tout un lieu mis à la disposition du public. Nous l’incitons à se saisir des enjeux que développent les artistes dans leur travail, enjeux qui recoupent par ailleurs leurs propres expériences quotidiennes (relations et représentations de l'espace urbain, écologie, économie). Pour chacune des interventions programmées, nous cherchons à nous adresser à un public particulier, dont les questionnements peuvent y trouver une parole. (ainsi, par exemple, inviter un collectif local engagé dans une critique des technologies à rencontrer Jarrige). La participation ici se caractérise par l’échange qu’elle insuffle.
Dis-moi, penses-tu que le communiqué est mal rédigé, peu clair ?
Je t'embrasse
Lore
Saturday, 13 mai 2006
Chère Lore,
Le titre " a step aside" est très bien parce qu'il évoque entre autres le : être au moins debout et dessiner un mouvement particulier et non frontal.
Le communiqué de presse me paraît bien assez clair et suffisant pour un communiqué pour la presse. S’ils veulent être curieux et intéressé par les matières, qu'il soit curieux et intéressé par les matières.
Je vous demandais ces précisions pour ma gouverne personnelle et merci des réponses qui expriment la teneur de votre réflexion et de vos discussions et cela me ravit.
Je n'ai plus qu'à m'en inspirer pour présenter l'objet de notre rencontre prochaine et la discussion qui peut s'ouvrir après le film...
Kisses.
À bientôt.
Tiens bon et les autres aussi.
Eve#
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